La boîte à outils magique de la Fed

Date: 24 avril, 2020 - Blog

Il aura finalement fallu un choc majeur – externe – pour que la Fed obtempère. Le Covid-19 a accéléré le rêve ultime de Trump. Cette pandémie a déclenché – l’inévitable ? – fusion des politiques monétaire et budgétaire américaines. A dire vrai, la re-liquéfaction hyperactive et des nationalisations de larges segments du marché des capitaux sont légitimes, afin d’éviter une crise déflationiste majeure. Tout comme en 2008/9. Mais ce n’est certainement pas une situation stable / durable.

Certes, la fin justifie les moyens

Mais la perte d’indépendance de la Fed n’est pas anodine

Il n’y a pas – que – la taille qui compte… Il faut aussi la manière

Au plus fort du QE3 (fin 2017/début 2018), le bilan de la Fed se montait à 4,5 trillions de dollars. Il a légèrement reculé à moins de 3,8 trillions de dollars en 2019, lors d’une tentative avortée de normalisation de la politique monétaire. Le bilan de la Fed pourrait atteindre 9 à 10 trillions d’ici la fin de l’année. Bref, J. Powell s’engage sans honte dans l’assouplissement quantitatif « illimité ». Tout est « magique » actuellement ; toutes les barrières tombent. Rien n’est inconcevable en matière de politique monétaire. La banque centrale américaine est littéralement obligée de « faire les fonds de tiroirs », afin de calmer les marchés financiers désemparés, au bord d’une implosion majeure. Elle a franchi le Rubicon, lors de l’achat de dettes privées de qualité inférieure et de produits structurés à levier (comme les CLOs). La Fed s’aventure de facto dans le domaine budgétaire en finançant le gigantesque paquet fiscal de 2,2 milliards de dollars et en déployant des capitaux dans le Fonds de stabilisation du Trésor américain.

 

Powell envisage aussi officieusement d’aller plus loin, en achetant des actions (comme la BoJ et dans une moindre mesure la BNS). Jusqu’ici tout va bien…

Politique monétaire : la science-fiction dépasse la réalité

Le transfert de dettes du bilan du secteur privé vers le bilan des pouvoirs publics pose la question de l’aléa moral 

Ce renflouement n’est qu’une extension de la politique (de reflation du prix des actifs) en vogue depuis une décennie

Ultimes bouleversements à venir ?

La Fed « contourne » les règles du système, tout comme la BCE l’a fait auparavant. En effet, les dernières activités de la Fed ont été regroupées et déléguées (à des tiers privés) pour contourner la réglementation officielle. Cette ingénierie place le Congrès américain devant le fait accompli.

L’anathème économique ultime, en termes d’économie conventionnelle, serait que la Fed souscrive directement aux émissions du Trésor. Cela signifierait une monétisation pure et simple des déficits budgétaires. Ce n’est certainement pas à l’ordre du jour aujourd’hui. Mais si l’économie ne rebondissait pas d’ici la fin de l’année, qui oserait si opposer…

Et ensuite ? La dette mondiale atteignait déjà des sommets … avant la crise du Covid

La brutalité de la crise actuelle légitime la soumission de la Fed à l’administration américaine… et un déplacement du curseur de la politique monétaire américaine vers un territoire inconnu

  • L’hyperactivité légitime de la Fed ne doit pas masquer les dommages / problèmes collatéraux
  • La progression incessante de la dette mondiale est inquiétante et intenable à long terme
  • La mauvaise allocation des capitaux, à grande échelle, tout comme la dislocation des marchés se poursuivront
  • La monétisation des déficits par la Fed mettrait en danger le statut de monnaie de réserve mondiale de l’USD et déstabiliserait le marché des obligations du Trésor
  • L’or reste un actif de couverture de choix dans cette perspective