Date: 27 février, 2020 - Blog
Dieu que la politique est versatile
Le vent a bien tourné depuis l’automne 2019. Le premier ministre britannique Johnson n’est plus un paria quasi-infréquentable. Ses manœuvres ¨anticonstitutionnelles¨ sont oubliées. Le Brexit aura lieu, dans une version modérée et acceptable pour tous. D’ailleurs, l’économie britannique donne également des signes de reprise. Pour preuve, l’indice composite PMI a bondi à son plus haut niveau depuis 16 mois à 52,4 en janvier (contre 49,3 pour novembre et décembre). Mieux, les modèles de prévisions macro-économiques annonceraient un retour de la croissance – aux alentours de +0,2% en janvier. Tout cela contrasterait favorablement avec le marasme conjoncturel de 2019, quand le pays avait frôlé la récession. Le 2e semestre avait été particulièrement faible. Les Britanniques commençaient à déprimer, après avoir longtemps cru être immunisés contre le ralentissement conjoncturel. En effet, la croissance était restée étonnement solide en 2017 et en 2018, malgré l’incertitude du Brexit. Tout récemment, l’optimisme des milieux des affaires a rebondi pour établir un plus haut sur six mois et, par exemple, les encours hypothécaires ont bondi en janvier. Le pire – un choc conjoncturel durable – va-t-il donc être évité ?
Rien n’est moins sûr
D’ailleurs, un début de fébrilité filtre sur le marché de la devise. L’indice tradeweight de la Livre Sterling, qui avait progressé de presque 12% fin 2019, a reculé depuis lors de presque 2%. Le scénario de faibles perspectives de croissance à moyen terme, liées notamment aux négociations commerciales imminentes et difficiles avec l’Union européenne, devient de plus en plus probable. L’insistance du Royaume-Uni sur une date limite du 31 décembre 2020 a notamment créé un nouveau malaise avec le Vieux Continent. Et, plus structurellement, la croissance de la productivité au Royaume-Uni demeurera faible, car l’économie ne s’est toujours pas ajustée à la crise financière depuis une décennie. Avant la crise financière de 2008, les banques britanniques avaient notamment drainé des flux financiers internationaux colossaux vers les marchés immobiliers. L’effet de richesse qui s’en est suivi a longtemps alimenté les dépenses des consommateurs. Aujourd’hui cette manne s’est tarie et c’est plutôt le risque de bulle immobilière qui inquiète… En supposant que Johnson ne bluffe pas et cherche le même type de relation commerciale que celle du Canada et de l’Europe, cela exclurait les secteurs les plus compétitifs de la Grande-Bretagne. La finance, la pharmacie, le data processing, les services aux entreprises, voire l’aviation feraient alors face à de nouveaux obstacles dans leurs échanges avec l’Europe à partir de 2021, qui augmenteraient à mesure que les règles de l’UE changeraient au profit des producteurs nationaux.
Dans ce contexte, la Banque d’Angleterre a défié les attentes de beaucoup en ne baissant pas son taux d’intérêt directeur. C’est probablement une posture de courte durée. En effet, la BoE reste concentrée sur les risques à la baisse pesant sur l’économie britannique plutôt que sur d’illusoires inquiétudes inflationnistes. Depuis 2008, elle avait réussi à éviter les taux directeurs négatifs, puisqu’ils se situent encore à 0,75%. Mais les munitions lui manquent aussi. Et rien ne dit aujourd’hui qu’elle serait en mesure d’éviter le ZIRP/NIRP en cas de future récession britannique…
Les actifs britanniques n’ont pas vraiment participé au feu d’artifice des autres marchés financiers l’an passé. Ils ont manifestement subi une décote – en termes d’évaluation – liée au gâchis du Brexit. Cela leur confère une attractivité relative. Tout comme leur assez faible corrélation aux autres places financières. Il n’y a pourtant pas d’urgence à se précipiter pour les acheter. Dans les semaines à venir, on peut s’attendre à un regain de vigueur de la rhétorique ¨Johnsonnienne¨ sur les batailles imminentes à mener avec l’Europe au sujet du commerce, la pêche, l’immigration, la réglementation, etc. La belligérance du Brexiter en chef ravivera probablement les craintes des investisseurs. Ceci risque bien d’avoir – à nouveau – des effets négatifs sur le taux de change d’équilibre de la Grande-Bretagne. La bonne nouvelle, c’est qu’un tel effondrement de la confiance, s’il se produit, présentera de nouvelles opportunités d’achat sur les actifs britanniques.