La débâcle de Boris

Date: 24 août, 2020 - Blog

 

« On ne peut échapper à sa future responsabilité en l’évitant aujourdhui ».

A. Lincoln

 

Le dangereux art du bluff

Qu’on le veuille ou non, il faut avouer que B. Johnson a remporté l’élection avec un certain panache. Il est souvent comparé à D. Trump, car tous deux appartiennent à la souche populiste de droite des politiciens occidentaux. Ceci n’est pas mérité. BoJo est une personne très éduquée, parlant de nombreuses langues et un fin connaisseur de la politique et du fonctionnement des institutions du Royaume-Uni. En ce qui concerne sa méthode, il s’apparente plutôt au joueur d’échecs autocratique qu’est V. Poutine.

Il a réussi à convaincre les électeurs britanniques que grâce au processus du Brexit, le Royaume-Uni rétablirait sa souveraineté et « reprendrait le contrôle ». Ce faisant, le Royaume-Uni échangerait son statut de vassal dans l’UE et rétablirait la grandeur de la Grande-Bretagne. Certes, cela rappelle en quelque sorte le mantra MAGA de Donald T. Mais les fondements de cette restauration sont plus profondément enracinés, au-delà – juste – du commerce et de la déconstruction du multilatéralisme. De nombreuses pistes ont été envisagées pour y parvenir. Comme notamment la conclusion d’un accord commercial – avantageux – avec les États-Unis ! Mauvaise intuition…

BoJo a été beaucoup trop lent à reconnaître la menace du Covid-19. Le Royaume-Uni a connu le plus grand nombre de surcroit de décès en Europe. Son impatience – disons son « boosterisme » – s’est heurtée à une sombre réalité sanitaire. Le fait d’avoir attrapé le virus et de s’en remettre avec succès – humblement – l’a probablement empêché de perdre sa crédibilité, contrairement à Trump ou à Bolsonaro. La nomination opportune de R. Sunak, le flamboyant chancelier, a également créé une diversion temporaire, alors que la pandémie était en plein essor.

Se prosterner devant les États-Unis se retourne contre le Royaume-Uni

Malgré ses décisions ruineuses, le capital politique de B. Johnson ne s’est pas évaporé

Le taux dapprobation de B. Johnson reste résilient

Statista Coronavirus

Source : Statista

 

Les erreurs de calcul du Royaume-Uni ne sont pas nouvelles

L’ancienne administration conservatrice avait lancé la politique du meilleur ami de la Grande-Bretagne avec la Chine il y a quelques années. Le Royaume-Uni lui a en fait ouvert son secteur nucléaire et l’a invitée à construire une partie de son réseau 5G. M. Johnson, qui se qualifie de sinophile, a définitivement adhéré à cette stratégie lorsqu’il a pris le pouvoir. L’agressivité croissante de la Chine, le tour de vis sur Hong Kong et la saga Huawei ont récemment mis un terme dramatique à cette idylle.

Quant aux négociations avec l’UE, elles semblent pour l’instant bloquées. Mais, en fin de compte, les choses peuvent changer progressivement. En effet, les liens entre l’UE et le Royaume-Uni pourraient s’inspirer des relations entre … les États-Unis et le Canada. Le Royaume-Uni doit – juste – accepter l’asymétrie des forces avec son grand voisin, comme le prix à payer pour l’indépendance politique. Les deux partenaires, qui partagent en fait beaucoup d’intérêts et de valeurs, pourraient tirer profit de la poursuite d’une intégration économique profonde et d’une coopération stratégique (comme la défense). Jusqu’en 2020, les deux pôles des fédéralistes européens et des Brexiters étaient totalement inconciliables, car mutuellement destructeurs. Désormais, le tout nouveau cadre issu des résultats du Conseil européen de juillet ouvre une nouvelle fenêtre. En effet, une UE plus forte peut devenir le partenaire indispensable pour faire face aux menaces des puissances autoritaires. La perfide Albion sera-t-elle assez inspirée – et pragmatique – pour faire (à nouveau) volte-face et trouver un compromis avec Bruxelles !?

Le Royaume-Uni se trouve ¨le c.. entre deux chaises¨  avec les États-Unis et la Chine

Il lui est impératif de faire des compromis avec l’UE pour éviter la dépression et l’isolement

  • B.Johnson dispose d’assez de capital politique pour éviter un Brexit catastrophique au Royaume-Uni
  • Un compromis avec l’UE est possible, mais pas à des conditions illusoires – avantageuses – pour le Royaume-Uni
  • La sous-performance de la devise et des actifs britanniques se poursuivra, du moins jusqu’à ce qu’un accord avec l’Europe soit conclu