Dernière ligne de résistance

Date: 20 janvier, 2020 - Blog

La prudence chinoise rime avec orthodoxie

En décembre passé Yi Gang, le chef de la PBoC, a déclaré dans Qiushi, un journal du parti communiste que : « Le maintien de taux d’intérêt positifs et d’une courbe de rendement inclinée vers le haut est généralement favorable aux entités économiques et conforme à la culture d’épargne du peuple chinois… ». En effet, en bonne théorie économique, le maintien de taux d’intérêt positifs stimule les investissements des agents économiques et préserve le pouvoir d’achat des épargnants. On retrouve ici la plupart des arguments des milieux conservateurs germaniques. Qui sont d’ailleurs partagés par une partie des gouverneurs de la Fed, terrorisés à l’idée de potentiellement déstabiliser leur marché monétaire domestique si les taux devaient collapser. En fait, la Chine craint plus que tout de suivre le mauvais exemple japonais, caractérisé par une surchauffe, des bulles financières et immobilières, puis une stagnation et une explosion de l’endettement. On sait aujourd’hui que l’effondrement des taux d’intérêt ne les a pas aidés à véritablement se redresser, mais à plutôt fait exploser la dette nippone…

La déclaration d’intention de Pékin est limpide. Déconnecter sa politique monétaire de celle du reste du monde, c’est-à-dire essentiellement de la zone USD (c’est la dédollarisation). Et poursuivre ses trois autres grands objectifs a) l’internationalisation du Renminbi b) le projet de la Route de la Soie c) la confrontation / guerre informatique avec les États-Unis. La Chine continuera donc de mettre en œuvre une politique monétaire « normale », aussi longtemps que possible, quitte à subir une décélération de la croissance et de l’inflation. Cette déconnexion chinoise comporte des implications importantes.

Si la Chine maintient vraiment ce cap, l’attraction relative du yuan (en tant que devise à haut rendement) augmentera. Un yuan relativement stable à fort favoriserait paradoxalement l’alignement d’intérêt avec les États-Unis. En effet, un yuan relativement fort peut mécaniquement contribuer à l’affaiblissement du billet vert et vice versa. On pourrait aussi assister à la baisse de la corrélation entre les rendements obligataires chinois leurs homologues américains pour deux raisons. Premièrement, les deux économies étaient devenues de plus en plus interconnectées (grâce à une mondialisation plus intense au cours de la dernière décennie) et la Chine avait grand besoin de dollars pour payer ses produits de base et autres biens de consommation. La Chine a été également très dépendante des systèmes financiers et de paiement américain pour ses activités internationales. En bref, la Chine avait volontairement rejoint l’orbite et par conséquent importé la politique monétaire américaine. La Chine a donc tenté jusqu’à présent d’éviter les déconnexions majeures de la zone monétaire USD.

Désormais, la PBoC privilégie l’expansion de la politique budgétaire, ainsi que la poursuite de la restructuration de l’économie en remplacement des anciennes recettes (comme l’expansion débridée du crédit) et autres subterfuges monétaires ZIRP, NIRP, QE, etc. Ce changement a officiellement été évoqué en décembre passé lors de la très officielle Conférence centrale chinoise des travaux économiques pour 2020. Cette vision est paradoxalement totalement compatible avec l’accord commercial « de phase I » avec l’administration Trump. Ainsi, la Chine pourrait offrir à Trump une « victoire », en se mettant d’accord sur un pacte monétaire. Mieux, l’achat de produits de base aux États-Unis pourrait atténuer l’inflation galopante des aliments (crise du porc).

Dans ce contexte, le yuan et les obligations chinois vont devenir de plus en plus attractifs dans l’océan des taux zéro ou négatifs. Les flux de capitaux entrants arrangeraient finalement bien les affaires du pouvoir chinois. Mais tout ne sera pas si parfait, à terme, malgré tout… La vertu et l’orthodoxie chinoise finiront bien, dans un avenir pas si éloigné, par être mises à l’épreuve par le vieillissement de sa population et par la productivité endémiquement faible de ses entreprises parapubliques – les SOE – . Mais, à ce moment-là, Xi aura très certainement un autre Président américain face à lui, et donc, probablement d’autres options à jouer…