Inflation, récession, crédit, pétrole: les marchés angoissent…

Date: 13 décembre, 2018 - Blog

« Exit la complaisance,

bonjour l’angoisse! »

L’insolente croissance de l’économie américaine et la progression spectaculaire de Wall Street, notamment de ses grandes sociétés Techno, ont anesthésié le sens critique des investisseurs. Jusqu’au début de l’automne 2018 au moins. Cette complaisance a notamment permis l’hiver passé aux crypto-monnaies de recueillir les faveurs des investisseurs à la recherche de bonnes idées et de sensations fortes. Des flux de capitaux gigantesques sont entrés dans les marchés émergents au printemps. Cet été les investisseurs privés (retail) américains ont battu leur record historique d’exposition aux actions US. L’euphorie et le calme des marchés a également favorisé la reconstitution de positions à découvert massives sur la volatilité implicite du marché des actions (Vix) fin septembre. Plus fondamentalement, les attentes de long terme des analystes financiers pour les 5 prochaines années ont culminé, cet été, à … +17% niveau proche de l’exubérance de 1999 (+19%), à la veille de l’éclatement de la bulle «internet». Tout allait si bien… Les conseils des nouveaux gourous inondaient la toile et les écrans.

A l’instar de Seth Golden, un self-made man (en fait un ancien responsable de la logistique dans un magasin Target), devenu récemment membre de ce club sélectif. Il aurait gagné des millions en shortant l’indice CBOE Volatility Index (VIX). Il a donné de longues interviews au New-York Times sur le sujet de la volatilité. Et puis boum! Sans que les facteurs fondamentaux, ni politiques, ne changent sérieusement, de nombreuses fissures ont apparu depuis quelque temps. Tour à tour, le bain de sang a touché les stratégies de vente de volatilité (2e salve, définitive cette fois?), les crypto-monnaies, l’immobilier anglo-saxon, les Hedge-Funds long-short, les actifs émergents, et plus récemment les actions dites GAFA. La plupart des «bulles spéculatives» ont séquentiellement explosé. Parmi les poches notoires de surévaluation, le crédit à haut rendement (high yield) reste, pour le moment relativement épargné. C’est d’ailleurs là une question-clé pour les mois à venir.

N’entrerions-nous pas dans le 2e épisode de l’inévitable grand démantèlement «Un-Wind» des investisseurs à effet de levier? La hausse des taux d’intérêt nominaux et, cette fois, des taux d’intérêt réels est probablement un risque majeur pour ces investisseurs fortement endettés. Les conséquences de la normalisation de la politique monétaire sont vastes et ont un impact sur toutes les classes d’actifs. N’en déplaise aux rêveurs, la répression financière (et ses effets porteurs pour les marchés financiers) est bien terminée. Tout comme la volonté des banques centrales de maîtriser la volatilité. Elles sont en effet, à l’instar de la Fed, bien plus préoccupées par l’instabilité financière. Cette dernière s’est considérablement aggravée, notamment à cause des stratégies similaires adoptées par les investisseurs moutonniers et avides de rendement. Une reconstitution des primes de risque est en cours. En clair, le regain de volatilité macro économique et l’assèchement de la liquidité financière vont rester en place pour longtemps. Bonne nouvelle: ce rappel à l’ordre pour les actifs financiers risqués se déroule séquentiellement et sans énormes dégâts (pas de crise systémique). C’est suffisamment rare pour le noter. On peut en donner crédit à la Fed, qui a réussi jusqu’à présent à orchestrer très graduellement la normalisation des conditions de l’économie et de la place financière américaine. Nous n’attendons pas de dérapage inflationniste majeur, ni de récession mondiale en 2019.

La croissance des bénéfices restera positive, malgré une décélération notable par rapport à 2018 et aux attentes exorbitantes des derniers mois. L’angoisse actuelle des investisseurs et des médias semble prématurée et exagérée. L’atterrissage est certes un peu brutal après toutes ces années de «asset price reflation». Des occasions d’achat intéressantes sont en train de voir le jour, notamment sur certains marchés émergents et sur les actions.