Date: 28 mars, 2019 - Blog
« L’Allemagne de l’après-guerre a abandonné la politique de puissance fondée sur l’armée et l’aventurisme international pour se consacrer principalement au développement économique ». Projet Syndicate. Février 2019 ». J. Fischer – ancien ministre des Affaires étrangères et vice-chancelier (de 1998 à 2005)
Fissures dans la forteresse allemande
Après la Seconde Guerre mondiale, l’Allemagne s’est concentrée sur son développement économique pour réintégrer le système démocratique occidental et retrouver sa souveraineté politique. Elle a brillamment atteint ces deux objectifs. Mais ces dernières années, Trump et le Brexit ont commencé à perturber les fondements du modèle allemand. La prospérité sans égale du pays pourrait bien s’avérer être une histoire du passé.
L’Allemagne est confrontée à un environnement de plus en plus hostile
La faute à la « perfidie » anglo-saxonne, vraiment ?
Les deux piliers anglo-saxons de la défense européenne faiblissent, laissant l’Allemagne en première ligne face à une Russie de plus en plus agressive. Cela devrait, en principe, aider à créer une défense commune en Europe. Mais, dans la pratique, l’appel de Macron dans cette direction se heurte à de sérieux obstacles: a) les Allemands sont devenus pacifistes après 1945 et b) le statut de puissance nucléaire de la France – et de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies – est difficilement négociable. La Souveraineté Européenne n’en est pas moins un problème majeur. Berlin, qu’elle le veuille ou non, sera obligée de s’attaquer à cette problématique.
Le modèle socio-économique (participatif) allemand a prospéré au cours des dernières décennies. Les biens d’équipement allemands, les machines-outils et les voitures sont de classe mondiale. Cette évolution a en fait été « discrètement » parrainée – sinon « subventionnée » par l’État allemand, par le biais d’un refinancement avantageux, d’aides à l’exportation, sans parler de droits de douane sélectifs. L’euro, une monnaie beaucoup plus faible que le DM, a également permis d’améliorer la compétitivité extérieure. Les choses ont radicalement changé ces derniers temps. Au-delà de l’inévitable ralentissement conjoncturel imminent, la « démondialisation » affecte de manière disproportionnée les modèles économiques de l’Allemagne comme de la Chine, fondés sur les exportations. Trump continuera à cibler Berlin. Le Brexit pourrait sérieusement nuire aux exportations allemandes vers le Royaume-Uni. L’excellente situation financière du gouvernement permettrait assurément des plans d’investissement / de restructuration ambitieux. Mais la volonté politique et la vision doivent encore suivre …
L’âge d’or de l’Allemagne, véritable moteur de l’Europe, pourrait arriver à son terme…
Champion, quel champion ?
Les banques allemandes n’appartiennent pas à la première division, que ce soit en termes de taille, de qualité ou de rentabilité. À première vue, la fusion entre Deutsche Bank et Commerzbank ressemble à un réflexe défensif. Il y a d’ailleurs de bonnes raisons fondamentales pour la critiquer:
- Les banques allemandes sont mauvaises en matière de fusions et d’intégrations. En effet, Deutsche Bank et Commerzbank ont lamentablement échoué avec Deutsche Post Bank et Dresdner Bank. La beauté du modèle participatif allemand – et de paix sociale – montre ses limites, lorsque la réduction des effectifs et les licenciements deviennent inévitables
- La nouvelle entité deviendrait trop grosse pour faire faillite, sinon pour être renflouée… c’est-à-dire totalement systémique. La politique continuera donc de jouer un rôle inutile, interférant potentiellement avec une stratégie bancaire solide
- Le système bancaire allemand se porte très mal. La domination toxique des caisses d’épargne et des banques coopératives, entretenant des liens douteux avec les hommes politiques locaux, doit cesser. Comme au Japon, les sociétés zombies ont des pratiques économiquement malsaines et favorisent une mauvaise allocation du capital. L’Allemagne ne peut devenir une place bancaire saine sans cette restructuration en profondeur.
Comme dans le « Mariage de la Carpe et du Lapin », cette union est vouée à l’échec
Cette tentative de méga-fusion bancaire est emblématique de l’incapacité de l’Allemagne à revoir son modèle socio-économique
- Demeurer sous–pondéré et très sélectif vis-à-vis des actions allemandes, en particulier dans les secteurs en difficulté, malgré des prix apparemment attrayants
- Les investisseurs agiles pourraient tirer parti des tensions sur certains instruments obligataires. Il faudra un certain temps avant que la question de la solvabilité ne se pose …