L’innovation, nouvel Agenda de l’Europe

Union européenne
Date: 30 septembre, 2019 - Blog

Et si on ¨Véganisait¨ la BCE ?

La nouvelle équipe de dirigeants de l’Union Européenne devra solidifier, fédérer et relancer le projet fondateur du Vieux Continent. Ce projet est quasi-existentiel, à l’heure où la croissance exponentielle de l’économie digitale crée un monde dominé par le G2, dans lequel l’Europe est clairement à la traine. Avec une base industrielle en voie d’obsolescence accélérée, une infrastructure technologique insuffisante, l’Europe ne risque rien de moins que de perdre les grands défis (géostratégiques / climatiques) du 21e siècle et devoir renoncer à son autonomie.

À l’heure actuelle, l’étincelle ne vient manifestement pas des – anciens – dirigeants allemands, qui manquent cruellement de vision. La chancelière Merkel a dévoilé un « Klimaschutzplan 2030 » tiède et insipide. Son crédo vert s’effondre. En effet, l’Allemagne reste le sixième plus gros émetteur de carbone au monde (environ 2% du total). Elle n’a pas non-plus respecté son objectif d’émissions pour 2020. Les partis écologistes recueillent environ 20% des intentions de vote, c’est-à-dire plus que les sociaux-démocrates. Dans une ébauche de réaction, la plus grande économie d’Europe va concéder quelques dizaines de milliards d’euros. Il s’agit essentiellement d’incitations fiscales pour les consommateurs (type bonus-malus) et de taxes-carbone sur les entreprises polluantes. Le plan climat allemand ne traduit aucune vision audacieuse, ni une approche globale (européenne).

À l’inverse, les États-Unis avec leur programme TARP il y a 10 ans avaient acheté / assuré plus de 700 milliards de dollars d’actifs décotés. Cette démarche visionnaire avait permis à l’économie d’éviter la spirale déflationniste. L’Europe – et son système bancaire défaillant – risque fort d’affronter des problèmes comparables ces prochaines années. Mais, pour une fois, le contexte politique favorise le changement, avec la pression qui augmente rapidement en Europe du Nord et en Allemagne pour des initiatives audacieuses sur le climat. Une fenêtre pourrait – enfin – s’ouvrir pour une initiative paneuropéenne. Il se pourrait même que l’émission de dette mutualisée par l’UE – des obligations vertes – pour financer un plan climatique continental, permettent de lever ce tabou. D’autant plus, s’il était essentiellement consacré à des dépenses d’infrastructure ?

Mieux, il pourrait même être financé par la BCE. La planète a peut-être une chance d’éclipser les préoccupations d’austérité des pays d’Europe du Nord. D’ailleurs, cela élargirait l’univers des titres éligibles au bilan de la BCE, à un moment où les obligations éligibles s’assèchent! Au demeurant, les marchés des capitaux, très demandeurs, absorberaient facilement des obligations vertes paneuropéennes. Le total des émissions mondiales d’obligations a en effet atteint 3,7 trillions de dollars au premier semestre 2019. La dette ¨verte¨ (Global Sustainable Debt) représente moins de 1% de ce marché, soit 250 milliards de $. La France a été le premier pays émetteur avec plus de 15 milliards de dollars, suivie de près par les États-Unis (14,5) et les Pays-Bas (10,5). Engie, le groupe français de services publics, a été le principal acteur. Ces obligations vertes seraient le premier pas vers la mutualisation, au sens plus large, des risques en Europe. On peut rêver…

Espérons que Mme Lagarde se montre à la hauteur des enjeux et galvanise dirigeants européens et BCE pour inventer des politiques économiques innovantes, ambitieuses. Cerise sur le gâteau, elles répondraient (enfin) aux craintes des citoyens pour le climat ! La voie budgétaire est libre. En effet pour mémoire, le budget fédéral de l’Union Européenne a environ atteint, en 2019, le montant dérisoire de 150 milliards d’Euros (1% du PNB), alors que celui des États-Unis s’est monté à 3’325 mias d’Euros. Mario le Maestro a sauvé l’Euro. Sa mission monétaire audacieuse se termine : le QE a clairement atteint ses limites. Puisse Christine ouvrir une nouvelle voie !

Par Philippe Schindler