La pandémie et l’orgie monétaire…

Covid-19
Date: 18 mai, 2020 - Blog

…bouleverseront la volatilité et le régime d’inflation

Heureusement, les dirigeants du G10 ont probablement injecté suffisamment de stimulants et d’argent pour compenser quelques trimestres de contraction économique. Mais une pandémie de plus longue durée engendrerait un raz de marée de défaillances, de faillites, de licenciements et de troubles sociaux. Cela provoquerait de sérieuses tensions déflationnistes. Le marché du travail américain connaîtra un changement structurel en raison du Covid-19. En effet, l’interaction physique est devenue plus compliquée. Les entreprises à faible intensité de main-d’oeuvre devraient surperformer. Les services de livraison à domicile de nourriture, les plateformes de streaming et le commerce électronique s’en tireront mieux que les restaurants, les cinémas et les détaillants traditionnels. Les reprises du marché du travail et des salaires seront inférieures à la croissance économique. Conséquence logique, le consensus des économistes pense que la demande mondiale ne se redressera pas avant 2021. Et que l’inflation par les salaires pourrait mettre beaucoup plus de temps à ressusciter.

Dans une première phase, c’est-à-dire ces prochains mois, la désinflation – voire des tensions déflationnistes – semblent inévitables. Mais un scénario optimiste pousserait sérieusement l’inflation cyclique. En effet, le système bancaire n’est pas, cette fois-ci, l’épicentre de la récession actuelle. Au contraire, les banques sont davantage victimes de l’effondrement brutal de l’activité mondiale. En fin de compte, de nombreux défauts se produiront, ce qui détériorera les bilans des banques. Mais les États du G7 mobilisent leurs bilans pour absorber une partie de cette charge. Et les banques centrales ont contourné les circuits traditionnels pour injecter directement des liquidités dans les entreprises privées. Les États-Unis ne sont pas victimes du piège des liquidités comme en 2008-2009. En effet, les grands agrégats monétaires américains augmentent. Les circuits de transmission sont dégagés: une orgie monétaire a commencé. Couplée à d’énormes stimuli budgétaires, tout cela se révélerait bien excessif si la pandémie devait s’apaiser rapidement.

En effet, aux États-Unis, la croissance des masses monétaires, étroites et larges, est spectaculaire. En glissement annuel, M2 et le proxy de M3 caracolent respectivement à +15% et +20% en glissement annuel. La transmission de la politique monétaire ultra-accommodante de la Fed ruisselle dans l’économie cette fois-ci. Il n’y a pas de ¨trappe¨ de liquidités. Imaginons qu’un vaccin ou un traitement soit trouvé au cours des prochains mois. La demande insatisfaite resurgirait avec rage. Les politiciens soutiendraient / encourageraient la relocalisation de la production stratégique, en tant que «réponse» à une dépendance «dommageable» à l’égard de la Chine. Bref, la démondialisation s’accélérerait. Ce serait fondamentalement… inflationniste.

Aujourd’hui, les marchés sont hypnotisés par la pandémie, parient unilatéralement sur la désinflation / déflation. Le marché obligataire américain anticipe une inflation moyenne ces dix prochaines années, à peine supérieure à 1%. Mais demain, dans un scénario 2020 moins catastrophiste que se passerait-il donc ? Des actifs très bon marché profitant de l’inflation, comme par exemple les métaux industriels / TIPS, pourraient «cartonner». Sans souscrire à un tel scénario peut-être «optimiste», parmi les actifs «antifragiles», on préférera l’or, le CHF ou le JPY aux obligations du Trésor américain à longue maturité.

Source : Article publié dans le magazine Indices (Agefi) – Mai 2020