Pétrole. Un difficile accord

Date: 7 avril, 2020 - Blog

La guerre des prix du pétrole initiée par l’Arabie saoudite a commencé en pleine crise du coronavirus

Avec la moitié de la population mondiale en confinement, on s’attend à un recul de 15 à  20 millions de barils/jour entre février et avril, soit 15-20% de la demande globale. Pour les mois suivants, la demande devrait rester sous pression, car le déconfinement global ne saura pas aussi rapide que les déconfinements nationaux, les pays craignant le coronavirus importé. Le tourisme, ainsi que l’aviation commerciale et de vacances, resteront bien en-dessous de leur potentiel de croissance. Après une chute de 68% à $23, le Brent a rebondi de 48% à $34 avec les espoirs d’une réduction de l’offre de la part de l’OPEP, la Russie et les Etats-Unis.

Les difficultés arrivant sur le pétrole de schiste américain, qui a besoin d’un prix du baril entre $35-$55 pour être rentable, Donald Trump a demandé à la Russie et à l’Arabie saoudite de réduire substantiellement leur production, de 10-15 millions de b/j, ce qui ne semble pas réaliste.

Mais un accord semble difficile :

  1. La Russie et l’Arabie saoudite se renvoient la faute sur la fin de l’accord OPEP+.
  2. La Russie serait d’accord, mais à condition que les US participent.
  3. Le gouvernement fédéral américain ne peut pas imposer une réduction de la production de pétrole en raison de l’Antitrust law. Par contre, une réduction est possible au niveau des Etats.
  4. L’association des compagnies pétrolières US refuse toute réduction de production pour des raisons économique et idéologique. ExxonMobil y est fermement opposé.
  5. La Russie ne peut pas réduire drastiquement sa production, au risque d’endommager ses installations.
  6. L’Arabie saoudite ne veut pas réduire toute seule.
  7. Les dommages faits à l’industrie pétrolière américaine sont bons pour la Russie et l’Arabie saoudite.
  8. Donald Trump va devoir faire d’importantes concessions, comme la reconnaissance du pipeline gazier Nord Steam 2, reliant la Russie à l’Allemagne.

Mais il faut agir, car dans quelques semaines, toutes les capacités de stockage (citernes, tankers) seront pleines, forçant des fermetures massives et désordonnées de sites de production, avec des dommages durables. La Railroad Commission of Texas, l’entité texane ayant le pouvoir de réduire la production au Texas seulement, a engagé des discussions avec l’OPEP. Un accord permettra de stabiliser les prix autour des $30 et de donner du temps aux compagnies d’ajuster leur production. L’American Petroleum Institute presse la Maison blanche à prendre des sanctions contre la Russie et l’Arabie saoudite pour les obliger à couper leur production. Le secrétaire d’Etat à l’énergie penserait interdire/taxer les importations de pétrole en Amérique du Nord ou obliger les raffineurs nord-américains à n’utiliser que du pétrole domestique. Mais l’API et l’American Fuel & Petrochemical Manufacturers s’opposent à des restrictions sur le pétrole étranger, considérant que l’achat de pétrole autour du monde par les raffineurs US est un  avantage compétitif (ils peuvent chercher le meilleur prix et la qualité adéquate).

  • Des discussions intenses auront lieu cette semaine ; celles prévues lundi ont été repoussées à jeudi
  • Un accord semble compliqué. Un échec signifierait une nouvelle chute des prix du pétrole
  • Dans l’hypothèse d’un accord, il est peu probable que la réduction de la production puisse compenser la chute de 15-20% de la demande globale. Mais il permettra au moins de stabiliser les prix
  • Selon certains traders, un accord ne servirait qu’à retarder l’inévitable
  • La production US va baisser
  • Sous-pondération du secteur Energie : risque et volatilité élevés, faible visibilité