Un dilemme incontournable

Date: 14 février, 2019 - Blog

Jusqu’à présent, la transition s’est avérée indolore …

La fin du régime de liquidité extrêmement abondante, marquant la fin de la répression financière aux États-Unis, s’est – étonnamment – bien déroulée jusqu’à présent. En fait, il a fallu environ trois ans à la Fed pour rétablir des taux directeurs (nominaux) « neutres », sans provoquer de graves perturbations, que ce soit en termes de croissance économique ou de marchés financiers. Depuis lors, pas de récession, aucun marché baissier, pas de crises systémiques. Certes, quelques accidents inévitables sont survenus, mais essentiellement dans la sphère des segments spéculatifs (mini-bulles) des marchés. Et, chose importante, cette normalisation, qui a commencé au T1 18 avec le « Vix-mageddon », s’est poursuivie de manière séquentielle au cours de l’année dernière, aboutissant à un atterrissage brutal des marchés des actions (et des investisseurs privés) en décembre dernier.

La bonne nouvelle est que la complaisance et la spéculation se sont clairement dissipées. Le resserrement inévitable des conditions financières a maintenant atteint une phase de pause, liée au changement de discours de la Fed.

Le sevrage des marchés dépendants à la liquidité atteint un point critique

La Fed sera tiraillée entre deux objectifs incompatibles : la croissance et la stabilité financière

… mais la stabilité financière reste une question ouverte

Les régulateurs et les décideurs ont travaillé d’arrache-pied au cours de la dernière décennie pour mettre en place un système bancaire / financier plus sûr. En particulier, les méga-banques ont été contraintes de réduire leurs opérations risquées, tout en offrant davantage de transparence et de responsabilité. Cela semble positif en surface. Mais un effet collatéral significatif de cette amélioration fait maintenant son apparition : les « amortisseurs » naturels provenant de leurs activités de ¨market-making¨ se sont considérablement réduits. Pire, une nouvelle forme de déséquilibre apparait, avec des flux financiers d’investissement provenant du trading à haute fréquence, de l’Intelligence Artificielle et des modèles / algorithmes quantitatifs. Les nombreux flash-crash et l’extrême volatilité de décembre dernier en attestent…

L’unilatéralisme du gouvernement américain et le manque de compétences / de personnel expérimenté vont dans le même sens. Le renflouement des banques / constructeurs automobiles et du programme TARP, il y a une dizaine d’années, ont été exemplaires. Il existe de sérieux doutes quant à la faculté de réaction de l’administration Trump en cas de crise. Particulièrement avec un Congrès bloqué. Le populisme européen et le Brexit représentent des sources de risques supplémentaires. Ces fractures / divisions politiques profondes compliqueraient inévitablement un traitement solidaire en pratique, lors de crise sérieuse.

Les systèmes bancaires parallèles se sont développés très vite en Chine ces dernières années (mais pas seulement là-bas …). Ils représentent un nouveau défi pour la banque centrale, car ils permettent aux agents économiques de contourner efficacement les restrictions financières, la réglementation, voire de contredire la position des autorités en matière de politique monétaire / de crédit. C’est un peu l’histoire des sportifs dopés qui ont toujours une longueur d’avance sur la police.

L’augmentation exponentielle de la popularité des ETF crée aussi ses effets secondaires. Par exemple, la démocratisation des produits sur les leverage loans et le haut rendement, via des véhicules d’investissement assurant une liquidité quotidienne, est dangereux en pratique. En effet, bon nombre de ces actifs sous-jacents sont quasi illiquides par nature. Une inadéquation grave ne manquera pas de se produire, avec des écarts de prix importants, lors de la prochaine crise de confiance.

Powell, le successeur de Draghi et Mnuchin resteront certainement sous forte pression en 2019/2020

Au-delà des banques, les régulateurs devraient se recentrer sur les nouvelles structures financières et les nouveaux véhicules d’investissement

  • Une nouvelle vague de reflation semble s’annoncer. À court terme elle soutiendrait la conjoncture et les marchés
  • Telle une distraction positive, elle augmenterait néanmoins les risques de grave crise si les problèmes de stabilité à long terme ne sont pas résolus