Actions. Le secteur Automobile s’engage dans une longue phase de transition technologique

Date: 22 octobre, 2018 - Blog

En bourse, le secteur Automobile a perdu 20% en 2018. Les équipementiers ont perdu plus avec des -38% pour Continental ou -50% pour Valeo. Après les tricheries sur les moteurs diesel, le secteur automobile fera face à une transition technologique majeure sur les 10 prochaines années et aux nouvelles normes contraignantes sur les émissions de CO2. En plus, à court terme, ils sont sous pression en raison d’une guerre commerciale (hausse des tarifs douaniers et des prix des métaux, acier et aluminium), du Brexit et de mesures protectionnistes qui leurs échappent. Tout va tellement trop vite que le secteur automobile est en train de subir les changements structurels profonds.

Les consommateurs sont également perturbés : en août, les ventes de voitures en Europe ont explosé de 31.2% pour chuter de 23% en septembre et 39%  en rythme annualisé et corrigé des variations saisonnières. Volkswagen a annoncé  un recul des ventes de 37% en Europe et 18% mondiales. En Chine, les ventes ont reculé de 11.6%, la plus forte baisse depuis 7 ans, et elles ont progressé de 1.5% sur les 9 mois de 2018 ; cependant, la contraction en Chine s’est accélérée ces 3 derniers mois et on pourrait voir un recul des ventes en 2018, soit la 1ère baisse en 30 ans !

Les moteurs diesel vont être bannis des grandes villes européennes entre 2024 et 2030. Interdiction totale du diesel à Oslo en 2019, Copenhague 2019, Barcelone 2020, Paris 2024, Rome 2024, Athènes 2024, Bruxelles 2025, Amsterdam 2025, Madrid 2025, Milan 2030, etc … Dès 2019, les grandes villes allemandes, Berlin en tête, vont interdire partiellement le diesel. La chute des ventes du diesel est impressionnante entre -20% et -30% selon les pays. En Europe, la part de marché du diesel a reculé de 55% à 36% en 1 année ! Si la technologie diesel devait disparaître dans un proche avenir, une conséquence non quantifiable aujourd’hui pourrait être des correctifs de valeur sur les brevets.

Alors pour les consommateurs, quoi acheter ? Les moteurs à essence ou des hybrides/électriques purs, ces derniers étant encore trop chers ? Quand acheter ? Attendre encore 2 ans pour avoir un choix d’hybriques/électriques purs plus grand et des prix qui baissent ? Et des voitures électriques pures, oui, mais le réseau de recharge n’est pas encore suffisant ; c’est une des raisons qui expliquent que les voitures électriques pures sont encore si chères (une autre raison est les économies d’échelle) : les constructeurs ne veulent pas que les consommateurs les achètent aujourd’hui en masse, car les consommateurs seraient très mécontents, surtout en période de vacances, face aux embouteillages devant les bornes de recharge.

Les gouvernements durcissent les règles sur les émissions de CO2, poussent les constructeurs à produire des voitures électriques, mais ces mêmes gouvernements n’ont pas une vraie politique pour soutenir leur développement en poussant l’infrastructure des bornes de recharge. Pire, ils sont en train de réduire les incitations fiscales lors d’achats de voitures propres, la France, la Grande-Bretagne, justifiant une maîtrise des déficits publics et envoyant ainsi un signal confus aux futurs acquéreurs de voitures. En Europe, il y a 200’000 points de recharge et il en faudrait 2,5 millions en 2025 selon l’European Automobile Manufacturers’ Association. Il faudra aussi des bornes qui rechargent les batteries en totalité en moins de 10 minutes ; aujourd’hui, les plus performantes rechargent la moitié en 30 minutes.

Les contraintes sur les normes CO2. Les nouveaux tests WLTP (Worldwide Harmonized Light-Duty Vehicles Test) ont retardé la commercialisation de nombreux modèles. L’Europe vient de décider une réduction de 35% des émissions de CO2 en 2030 pour le secteur automobile, alors que l’industrie avait demandé 20%. Certains pays où il n’y a pas de production automobile demandaient une réduction de 40%. Un défi important pour les constructeurs qui ont averti que cela pourrait avoir des conséquences comme des licenciements massifs ou des pertes financières. En Europe, 13 millions de personnes travaillent pour l’industrie automobile.

Les investissements dans les nouvelles technologies – voitures électriques, batteries, connectivité, autonomie de la voiture et stations de recharge – vont être gigantesques, donc un stress évident pour les constructeurs automobiles et les équipementiers, et des risques financiers. Les marges seront sous pression, car elles sont moins élevées pour les voitures électriques que les voitures traditionnelles. Il va falloir absorber les coûts de R&D des nouvelles technologies, même si une partie sera amortie par les sous-traitants (batteries, connectivité, autonomie). Les économies d’échelle ne sont attendues que vers 2028-2030, donc une baisse sensible des prix de vente des voitures électriques pures.

L’Europe a besoin d’un « champion de la batterie », alors que l’Asie et les Etats-Unis sont très en avance. La Chine, le Japon, la Corée du Sud et les Etats-Unis sont les plus importants producteurs de batteries et ils ont conclu des accords importants avec les producteurs de cobalt, de lithium, de graphite, de nickel, de manganèse et de terres rares. La Chine est le plus important producteur de terres rares. Le lithium se trouve principalement au Chili, en Bolivie et au Pérou et au Congo se trouvent les plus grands gisements de cobalt. L’Asie est en train de construire une douzaine de « gigafactories » et les Etats-Unis ont Tesla. Aucune en Europe qui est très en retard dans les capacités de batteries et devrait avoir un « champion » pour rester compétitive selon Carlos Ghosn, le patron de Renault-Nissan-Mitsubishi. Les capacités de production des batteries vont vite devenir un stress important pour les constructeurs européens.

Certains spécialistes redoutent un effondrement des ventes en 2020-2021, lorsque les constructeurs arriveront avec plus de voitures hybrides/électriques pures, mais avec un prix de vente très supérieur à celles avec des moteurs à essence.

Tout n’est pas noir. Malgré tout, les constructeurs européens et américains, hors Tesla, ont des bilans industriels solides  avec des positions importantes de cash net (en prenant les dettes industrielles), dont €70 milliards pour les constructeurs européens. Les groupes allemands vont proposer une large gamme de voitures électriques dès 2020. Volkswagen a une part de marché solide en Chine et devrait sur un plan mondial électrifier tous ses modèles dès 2030. Les constructeurs ont des objectifs ambitieux sur l’électrification des voitures, ils ont les liquidités pour cela, mais toute la chaîne de production d’une voiture, du constructeur à l’équipementier, au fabricant de pneus, sera sous pression sur les 5 prochaines années.

Par contre, la hausse des taux d’intérêt est pénalisante pour la partie financière sur les prêts auto. Le coût d’une voiture en crédit privé/leasing va devenir plus élevé, et probablement ralentir les ventes. Le graphique ci-dessous (source : Banque fédérale de New York) montre que le poids de la dette automobiles US à risque dans la dette totale des ménages a augmenté. Depuis 2013, la dette automobile US à risque a progressé de 77.7% à $22.6 milliards. Les taux d’intérêt très bas ont poussé les ménages à s’endetter pour les voitures au-delà de leur possibilité financière. Il y a donc une bulle sur les prêts auto et une hausse du taux de défaut pourrait avoir un impact négatif sur l’ensemble du secteur automobile.

Pourcentage de la dette à risque des ménages US

(Source : Banque fédérale de New York, T2 2018)

  • Sous-pondérer le secteur automobile, constructeurs et équipementiers
  • A court terme, la guerre commerciale et le Brexit pèsent sur le secteur
  • A moyen-long terme, la transition vers l’électrification de la voiture pèsera sur les marges
  • Les ventes mondiales pourraient rester sous pression ces prochaines années, car l’acheteur potentiel fera face à des produits plus chers