Adieu l’orthodoxie monétaire chinoise

Date: 21 février, 2019 - Blog

« Fin janvier 2019, la PBoC a lancé

les swaps d’obligations courtes »

 

La Fed et, plus tard, les banques centrales d’Europe, ont adopté des politiques monétaires non conventionnelles au lendemain de la grande crise financière (2008/9). La BoJ l’avait déjà fait précédemment. L’idée était de provoquer l’effondrement des taux d’intérêt réels et une reflation du prix des actifs. Jusqu’à présent, ce processus controversé était resté confiné aux économies développées … En effet, les taux d’intérêt réels dans les économies émergentes sont restés positifs au cours de la dernière décennie, malgré la baisse importante des taux nominaux. Pour de nombreuses raisons, les banques centrales émergentes se sont abstenues de mettre en oeuvre une politique de taux zéro (ZIRP) ou un processus d’assouplissement quantitatif. Parmi elles, on pourrait évoquer la « fragilité » économique et le faible niveau de développement / sophistication des systèmes bancaires (et l’absence d’outils nécessaires pour le faire), sans parler de la dépendance vis-à-vis de sources de financement étrangères.

Mais, dernièrement, la PBoC a engagé un virage très discret mais non moins significatif de sa politique monétaire. Vu que le crédit bancaire restait atone malgré ses récentes injections (massives) de liquidités, elle opte désormais pour une approche plus radicale. En fait, elle émettra des obligations à courte échéance pour (sic) soutenir le marché des obligations perpétuelles (OP) des banques commerciales. Cette opération est intelligemment présentée comme une nouvelle source de liquidités pour les banques.

En fait, il s’agit de recapitaliser les banques chinoises, à l’image du système de la BoE (Funding for Lending), ou des opérations (LTRO) de la BCE ! Tout cela n’a bien sûr (!) rien à voir avec les problèmes d’insolvabilité des banques chinoises. Cerise sur le gâteau, non seulement la PBoC, mais aussi les institutions financières et les assurances seront autorisées traiter ces OP, qui pourront également être utilisés comme collatéral. Pour rappel, les OP ne doivent pas être remboursées, car considérées comme des « quasi-fonds propres » (niveaux Tier I ou II) dans les bilans, à l’instar des actions privilégiées ou des obligations subordonnées convertibles (Co-Cos). En loucedé, la Chine prépare donc un assouplissement quantitatif, tout en le réfutant haut et fort dans les médias… Incorrigibles chinois, qui gèrent leur communication avec un art toujours aussi bien consommé ! Les Cassandre objectent qu’il faudrait encore que la demande de crédit réponde présent, notamment vu la conjoncture faiblissante. C’est oublier un peu vite que la Chine est une économie dirigée. Le Parti et ses décideurs trouveront les moyens de « convaincre » les banques. Habilement, la PBoC n’a communiqué aucun calibrage, aucun objectif, aucun calendrier pour ces opérations, afin de réduire la pression des marchés et lui permettre de tester ce nouveau processus dans la réalité. Il s’agit aussi de ne pas affoler les investisseurs quant à la vulnérabilité du système bancaire domestique. Lorsque la PBoC achètera volume important de OP, elles apparaîtront inéluctablement sur son bilan.

Il sera alors temps de reconnaître, ex-post, le début – prudent – d’un assouplissement quantitatif (QE). C’est le fait accompli. En résumé, le sauvetage discret des banques chinoises les plus faibles et le démarrage officieux du QE de la PBoC viennent de commencer en toute discrétion. C’est d’ailleurs passé inaperçu, tant les investisseurs sont fascinés par les derniers chiffres macroéconomiques médiocres et par les pourparlers quotidiens sur la guerre commerciale. On ne sait certes pas encore à quel rythme et avec quelle intensité la Chine va s’engager dans cette politique monétaire non-conventionnelle. Il n’empêche, la reflation chinoise s’accélère, et c’est une bonne nouvelle. La baisse des taux directeurs chinois, qui dépendra plus directement des discussions avec Donald, pourrait venir s’ajouter et déclencher, finalement, un rattrapage significatif des marchés chinois après une année 2018 catastrophique